Un conte inspiré d'une histoire vraie, que je dédie à tous les amoureux des chats, et en particulier à Marc, acteur involontaire de cette histoire.
Un grand merci à Chantal et à Alain, l'une écrivain, l'autre expert en ponctuation et en syntaxe, pour leur aide précieuse
:-)
Les adultes les rappelaient à l’ordre : « Chut ! Un peu de
tenue ! »
Il avait envie de dire aux parents de laisser les enfants rire, jouer, courir
et crier ; de les laisser être
heureux et insouciants.
« Les morts sont contents. Je le sais. C’est trop
calme ici d’habitude. On s’ennuie souvent. Bien sûr, je suis là. Je leur tiens
compagnie. On parle mais, vous savez, les fleurs, les enfants, c’est bien. Le
soleil, les oiseaux aussi. Vous entendez ? C’est vraiment un beau jour de
fête ».
Il aimait ce moment.
Oui, il aimait voir que ses amis, les défunts,
recevaient leurs proches. Surtout, qu’aujourd’hui, sous le soleil doux et caressant de cette belle
journée, et les bras chargés de fleurs, ils oubliaient d’être tristes.
Les oiseaux, eux aussi,
semblaient participer à la fête. Les perruches provoquaient les feuilles
jaunissantes des arbres, avec leur plumage d’un vert si éclatant. Elles
s’interpellaient d’une branche à l’autre, commentant l’allure des visiteurs
comme des commères.
Elles provoquaient le gardien, aussi. « Attrape nous donc, si tu le peux ! »
criaient-elles en volant très près de lui.
Aujourd’hui, il était trop
distrait pour s’en offusquer. Il avait déjà assez à faire, à surveiller les
lapins, cachés derrière la petite haie. Ceux-là n’étaient rien d’autre
que des vauriens, incapables d’apprécier
ces belles fleurs autrement que pour les dévorer ! Ils saccageaient les
plus beaux bouquets et renversaient les pots qui, parfois, se cassaient.
Ils étaient là qui attendaient,
hésitants. Tentés par toutes ces fleurs délicieuses, mais apeurés par les gens. Jusqu’à ce soir, il était
tranquille, les lapins ne feraient pas de dégâts.
Il reporta son attention sur les visiteurs. Un couple en
particulier l’intriguait. Un homme et une femme. Ils s’étaient arrêtés devant deux sépultures peu éloignées l’une de
l’autre et semblaient chercher quelque
chose, parcourant les allées lentement, déchiffrant les noms gravés sur les
stèles. L’homme parfois s’arrêtait, et se penchait sur une tombe.
Il s’approcha pour mieux voir…
La femme venait de rejoindre son compagnon, il l’entendit lui demander d’un ton à la fois ironique et
surpris : « tu leur as demandé la permission, au moins ? »
La permission ? À
qui ? De quoi ?
Le gardien eut à peine le temps de s’étonner qu’on ne l’eut pas
concerté, pour une question concernant le protocole du cimetière, qu’il vit un
petit bouquet dans la main de l’homme. Quatre ou cinq fleurs, pas plus, coupées très court, presque sans
tige.
Il comprit alors, que l’homme ne
se penchait pas sur les tombes, mais sur les fleurs ! Il avait prélevé
quelques chrysanthèmes et les déposait, à présent, sur une tombe nue qui ne
recevait pas souvent des visites.
Il resta très perplexe. Cueillir des fleurs déposées dans les cimetières était quand même une sérieuse
entorse au règlement ! Mais les
déposer ensuite sur les tombes que personne ne visitait, voilà une attention à
laquelle notre ami des défunts était très sensible. Partagé entre des
sentiments contradictoires, il se
demandait comment affronter cette situation ?
C’est alors qu’il vit l’homme se
pencher à nouveau sur un magnifique chrysanthème « Junique » à grosses fleurs. Son intention semblait claire : il
s’apprêtait à mutiler ce magnifique
bouquet ! L’affaire devenait grave ! Il ne pouvait décemment pas
laisser cet individu opérer un tel sacrilège, même animé des plus charitables
intentions ! Prélever quelques minuscules boutons de fleur sur de grosses gerbes charnues… passe encore ! Mais mutiler ce magnifique plant de « Junique »
qui exhibait majestueusement 4 ou 5 fleurs, non, il ne pouvait pas le
tolérer !
Il décida d’intervenir.
***
Elle aimait ce moment.
Les occasions de rendre visite à son père se
faisaient rares. Elle habitait à l’étranger, et ses séjours coïncidaient
rarement avec la toussaint.
Cette journée était vraiment exceptionnelle. Le soleil l’adoucissait et
caressait d’une belle lumière la palette colorée des hommages floraux .Même en
temps ordinaire, lorsqu’il n’était pas paré, comme maintenant, de toutes ces
fleurs et animé par les nombreuses visites familiales, ce cimetière lui
plaisait. Il s’étendait à l’orée d’une
forêt, entouré de champs et, avec ses pelouses et ses grandes allées, il avait
l’allure d’un parc où il était agréable
de se promener. La dernière demeure, parfaite, pour son père qui aimait tant la
nature.
Des lapins facétieux taillaient les bouquets à peine déposés et de
nombreux oiseaux habitaient ce lieu tranquille.
Aujourd’hui, elle était venue accompagnée
d’un ami. Leurs pères étaient inséparables. Ils étaient décédés à quelques mois
d’intervalle, comme s'ils avaient trouvé inamical de se survivre trop longtemps.
Elle avait
apporté un petit vase de bruyère, pensant
naïvement que les lapins n’aimeraient pas ces fleurs discrètes et rugueuses. De
surcroît, cette plante un peu sauvage, correspondait bien au
caractère de son père. Elle savait qu’il n’aurait pas adoré les conventionnels
chrysanthèmes même si, rassemblés dans cette parade colorée,
elle trouvait qu’ils faisaient aujourd’hui, bien belle figure. Certaines tombes
disparaissaient complètement sous d’immenses bouquets de fleurs, soulignant la nudité et
l’oubli de quelques autres.
L’ami semblait, lui aussi,
trouver un peu triste ce contraste entre les sépultures surchargées de fleurs
et celles qui paraissaient vraiment tombées dans l’oubli. Elle remarqua
que, discrètement, il cueillait par ci par là des boutons sur les tombes fleuries pour les déposer sur
les celles délaissées. Interloquée, elle ironisa gentiment :
« Tu leur as demandé l’autorisation, au moins ? »
Ensuite, elle fit
semblant de ne plus remarquer son petit manège tandis qu’ils cherchaient la tombe de la mère d’une de ses anciennes compagnes de classe, résidant
à l’étranger, elle aussi.
C’est alors que l’homme s’arrêta devant un bouquet différent des autres. Un vase qui n’exhibait que 5
fleurs mais, énormes et somptueuses. Elles étalaient leur belle couleur nacrée et
l’opulence de leurs coroles comme une provocation à l’égard de tous les autres
bouquets qui, en comparaison, paraissaient
soudain bien modestes. Incrédule, puis
horrifiée, elle le vit tendre la main, prêt à opérer ce qui, selon elle, ne constituerait
plus l’innocent chapardage d’un robin des cimetières, mais véritablement un
sacrilège ! Elle se devait de l’en empêcher, mais comment faire sans
l’offenser ?
-« REGARDE, s’exclama-t-elle ! Un
chat ! Comme il est beau ! »
Le chat, qui s’était
approché d’eux, était magnifique. Il était très grand, robuste, totalement noir,
d’un poil fourni et brillant. Son allure majestueuse et son regard paisible,
plein d’assurance, n’étaient pas ceux d’un chat errant.
D’ailleurs, comme si le
lieu se prêtait parfaitement à une rencontre mondaine, le félin entreprit un
rituel de salutations très amicales, se frottant en ronronnant contre les
jambes de l’ami.
Surpris, celui-ci en oublia
instantanément ses projets de redistribution équitable des fleurs tombales. Il était
complètement séduit par l’animal qui,
il faut le dire, lui prodiguait démonstrativement son affection.
Très
courtoisement, le chat adressa également ses civilités à la dame. Elle trouva
d’ailleurs, qu’il y avait dans son
aristocratique maintien, de quoi
s’étonner qu’il ne se fût pas d’abord adressé à elle…..
Elle eut confusément le sentiment que ce chat les avait
choisis. En effet, il ne s’intéressait pas aux autres visiteurs du
cimetière, qui amusés par la scène, tentaient d’attirer son attention, et
tendaient la main, mendiant ses caresses.
L’animal semblait très satisfait de l’amabilité du couple, qu’il escorta tout le temps que dura encore la visite.
Les deux amis, sous le charme de
cette rencontre insolite et flattés de ces égards, prolongèrent leur promenade
au cimetière. Accompagnés par le chat, ils retournèrent sur les tombes de leurs
pères. Le matou s’installa familièrement sur la pierre qui recouvrait l’une d’elles.
« Mon père
adorait les chat, dit-elle, pensive. On dirait qu’ils se connaissent… »
Le gardien du
cimetière, le beau chat noir, ne pouvait lui répondre, qu’en effet, il connaissait tous les habitants de ce lieu tranquille. Tous étaient ses amis. (Même ceux qui n’aimaient pas trop les chats
de leur vivant…)
Il aurait aimé leur dire qu'il était content qu’eux
aussi, soient devenus ses amis.
Et …qu'il était également très heureux d’avoir
sauvé les « Junique ».
8 commentaires:
hello Karine
tu reviens avec une très jolie histoire et c'est un bonheur de te
lire !
j'aime les chats, ils ont quelque chose de mystérieux et de magique
et ressentent des choses dont les humains sont bien incapables ! ce sont eux qui nous choisissent !!!
c'est drôle j'ai publié hier trois chats sur mon blog peintures !
merci de tes gentilles visites qui m'ont vraiment fait très plaisir !
je t'embrasse et j'espère que tu restes !
Un vrai régal !
De la première ligne à la dernière , j'étais sous le charme !
D'autant plus qu'à la maison , nous sommes tous très très "chat " .
Je vous souhaite une belle soirée .
Un grand merci pour ces moments d'émotion .
Vraiment très beau, Karine, les amis des chats sont très heureux ce soir !
Bises.
Ah quel joli texte!
Que j'aime quand c'est si bien et si simplement écrit!
Moi qui n'ai pas toujours le temps de lire les longs écrits sur les blogs, j'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce petit conte plein de charme, surtout que le personnage principal est un animal fort sympathique!
Bises et bonne journée, Karine!
Merci à tous pour cette lecture amicale et indulgente. j'ai eu moi aussi beaucoup de plaisir à partager avec vous cette belle rencontre, illustration supplémentaire de l'extraordinaire spiritualité des chats.
Coucou Karine!
Mais c'est que j'ai déjà failli "rencontrer" une maman, il y a 2 ans... J'en ai encore des frissons en y repensant!
Je marchais dans un chemin de sous-bois touffu - à la suite d'une libellule, le nez en l'air - quand j'ai entendu ses grognements...
A 3 mètres de moi, je distingue ses pattes mais pas sa tête; une "bestiole" d'environ 80 kg minimum... Je n'étais pas fière, toute seule avec mon APN pour me défendre!! LOL!
Je lui parlé doucement tout en reculant lentement: elle n'a pas bougé d'un poil!
Impressionnant!!!
Grosses bises et bonne soirée!
Hello Karine!
Toujours si occupée?!
Juste un petit coucou pour te souhaiter d'excellentes fêtes de fin d'année et que 2013 soit aà la hauteur de tes espérances! ;-)
Bises et merci pour ton passage!
Chère Karine , je vous souhaite de passer tous ces jours de fêtes entourée de l'affection de tous ceux que vous aimez .
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